Transformer l’information en action significative – par Harry DAVIS

50 retours d’expérience en IE | Il existe une abondante littérature sur les qualités des dirigeants qui ont réussi. Très souvent, ces qualités marchent dans un contexte particulier, de la même manière que l’expression du choix du consommateur, dans un groupe type, se présente lorsqu’il fait ses achats dans une épicerie ou lorsqu’il doit préparer son repas à la fin d’une longue et épuisante journée.

Changer suivant les publics

Pourtant, la capacité d’un leader  à attirer des adeptes – essence d’un bon leadership – dépend de la manière avec laquelle il joue des rôles dans des situations précises.  C’est au quotidien, au cours de scènes successives, qu’une personne fait avancer les actions majeures.

Pour employer une métaphore, je dirais que les dirigeants semblent remplir leurs devoirs comme dans des « pièces de théâtre », conduisant tour à tour une réunion tendue consacrée à la réduction des coûts et l’orientation d’une équipe à explorer davantage des opportunités de croissance. Les dirigeants jouent également différents rôles tout au long de leur carrière, passant du spécialiste dans une fonction au généraliste qui doit considérer l’entreprise dans sa globalité.

L’ancien Secrétaire d’État, George Shultz, avait compris la nécessité de changer de rôles suivant les publics. Dans ses mémoires de 1993, Servitudes et Triomphe : mes années en tant que Secrétaire d’État, il écrit: « Dans les affaires, vous devez faire très attention lorsque vous demandez à votre collaborateur de faire quelque chose, parce ce qu’il y a de fortes chances qu’il le fasse réellement.   Dans un gouvernement, vous n’avez pas besoin de vous en inquiéter. Et à l’université, vous n’êtes même pas supposé dire à quelqu’un de faire quelque chose. »

Une évolution des carrières

La reconnaissance de ces différences a sans doute contribué à une carrière  réussie au cours de laquelle il a occupé diverses fonctions telles que Doyen de l’université de Chicago Business School, ministre du Travail, ministre du Trésor et président de Bechtel Group.

 Ayant enseigné de milliers d’étudiants de MBA pendant près de cinq décennies, je ne considère pas sans importance la connaissance conceptuelle. Mais les dirigeants doivent également avoir la capacité de transformer les informations en actions significatives, et la capacité d’action exige une bonne connaissance de l’auditoire et de soi. De la même manière que les entreprises sont paralysées  par la routine qui réduit leur compétitivité, les dirigeants sont aussi bloqués par le comment de leurs propres performances.

Dans une période marquée par d’importants changements technologiques, l’expansion des opérations à travers le monde et l’allongement des carrières, notre capacité à réussir effectivement au travers des multiples contextes peut s’avérer être la condition nécessaire pour des contributions durables. Au regard de notre expérience, il existe une réelle valeur positive à compléter les « têtes bien faites » par une bonne dose de « force physique. »

Imaginez que John ait réussi en tant que directeur d’exploitation dans une entreprise bien hiérarchisée. Les rôles et les responsabilités sont clairement définis et chacun connait les principales mesures de performance. John réussit parce qu’il communique efficacement avec ceux qui lui rendent compte. Il fait preuve d’initiatives, de détermination, de confiance et de fermeté dans la responsabilisation des autres.

Maintenant, imaginez deux possibilités différentes de carrière. John est promu au poste de président directeur général. Désormais, il doit s’occuper de plusieurs organes situés loin du siège central. Il ne prend plus part aux réunions quotidiennes avec les chefs de service. Il se rend compte qu’il éprouve des difficultés à communiquer avec ses nouveaux collaborateurs. Dans un autre contexte, John est transféré dans une autre entreprise du même secteur. Il se rend compte que cette entreprise est moins hiérarchisée. Diriger les autres ou plaire à son chef n’est plus très important. L’entreprise ne fonctionne pas avec une précision militaire. Il se retrouve alors à se demander s’il avait pris la bonne décision et s’il est efficace dans ce nouvel environnement.

Un pont efficace

Continuer à jouer son rôle de la même manière pendant longtemps est très confortable; essayer de présenter de nouvelles qualités peut ne pas l’être. Il est facile d’écouter une voix intérieure qui dit, « Je suis le genre de personne qui vois toujours les faiblesses des autres, alors à moins que je continue à relever ces faiblesses, je ne serais pas moi. » Mais créer un impact ne dépend pas uniquement de moi. Au contraire, il s’agit d’une série de qualités dont j’ai besoin pour constituer un véritable pont entre un objectif important de mon entreprise et l’auditoire qui est très important dans la mise en œuvre des actions qui soutiennent l’objectif.

Lorsqu’une personne s’efforce d’être plus agile, elle doit être confrontée à une notion quelque peu contre-intuitive selon laquelle elle a plusieurs identités possibles. Quelquefois, la patience est précieuse; à d’autres moments l’impatience doit être manifestée. Il est conseillé au dirigeant de présenter un côté chaleureux vis-à-vis de certains collaborateurs, et de faire preuve de distance face à d’autres. L’aspect de notre personnalité qui peut gonfler d’énergie les autres a de la valeur lorsqu’une entreprise  a besoin de plus de dynamisme;  l’aspect qui peut refléter le calme a plus de valeur lorsque la pression et la fatigue se sont installées. Nous pouvons tous acquérir différentes qualités personnelles. Le défi consiste à reconnaitre ces acquis et à utiliser chacun en temps opportun.

Harry DAVIS enseigne le management créatif à Booth School of Business, Université de Chicago. Contact : Harry.Davis@chicagobooth.edu.